2 Mai
Il paraît que ce fût un grand match : en tout cas une véritable punition que le Bayern de Munich a infligé au « Barca » en demi-finale de la Ligue des Champions : sept buts à zéro en deux matchs. Et voila le Bayern qui rejoint le Borussia de Dortmund en finale de la coupe européenne : deux clubs allemands qui ont sorti les deux grands d’Espagne où se pressent les meilleurs joueurs de la planète. Et auparavant avaient sombré les clubs anglais propriétés d’oligarques russes, le PSG quatari et tant d’autres gloires plus financières que sportives.
Le modèle des clubs allemands est un peu à l’image de l’Allemagne elle-même : des clubs solidement ancrés dans leur tissu social et économique où il n’est pas rare qu’un joueur allemand ou étranger fasse l’intégralité de sa carrière ; des clubs assez représentatifs au fond de ce « Mittelstand », le tissu des grosses PME qui fait la fierté et l’efficacité de l’Allemagne. On est loin de l’esbroufe et des mercenaires que l’on se paie avec l’argent des autres. Cela fait moins de bruit mais c’est apparemment beaucoup plus efficace. Voila un autre triomphe du « made in Germany » !
7 Mai
Roberto Azevedo va succéder à Pascal Lamy à la tête de l’OMC. C’est un diplomate aguerri qui représente le Brésil à Genève depuis de nombreuses années et on sait que les brésiliens ont gagné quelques unes des « causes célèbres » de l’OMC comme les affaires du sucre contre l’UE ou celles du coton contre les Etats-Unis.
Dans quel état va-t-il trouver l’OMC après deux mandats de Pascal Lamy marqués par la crise économique. Voyons d’abord le bon côté des choses : malgré la crise justement, il n’y a pas eu de retour marqué au protectionnisme comme cela avait été le cas dans les années trente et soixante dix. L’organe de règlement des différents de l’OMC fonctionne plutôt bien et de manière générale l’administration de Pascal Lamy a été efficace et professionnelle.
Certes Pascal Lamy n’a pas réussi à conclure le cycle Doha, lancé en 2001. Mais le sera-t-il un jour ? Autant les droits de douane sur les marchandises peuvent être réduits autant les questions de services et de propriété intellectuelle sont difficiles à appréhender et à traiter surtout en période de crise alors que le nationalisme économique refait surface. Doha est probablement le cycle de trop dont Roberto Azevedo devra gérer une sortie honorable.
Quand à Pascal Lamy, la suite sera probablement française, plus vite qu’on ne le pense.
9 Mai
Journée de l’Europe en cette fête de l’Ascension. L’année qui vient de s’écouler a été bien difficile pour l’Europe des crises grecque et chypriote aux doutes britanniques et surtout à la montée d’un sentiment antieuropéen qui fédère un peu partout les extrêmes qu’ils soient de droite ou de gauche.
Et pourtant l’Europe avance et sa gouvernance se consolide au fil des crises et des sommets « de la dernière chance ». L’acquis monétaire n’est vraiment contesté que par des nationalistes irrédentistes dont les idées demeurent bien fumeuses. Certes la BCE demeure trop prudente et reste trop influencée par les thèses quasi déflationnistes défendues par les milieux financiers allemands. Mais en réalité Mario Draghi a déjà beaucoup fait et c’est lui faire un mauvais procès que de l’accuser de jouer la carte de la déflation. Il manque en effet toujours un maillon en Europe : celui d’un gouvernement et d’un budget capable d’assurer une véritable relance au-delà de seuils aussi fatidiques qu’irréalistes. Il faut donc aller plus loin, probablement sans les britanniques, et au passage harmoniser autant que faire se peut nos systèmes sociaux et fiscaux.
Mais aux esprits chagrins, il faut rappeler que l’Europe existe bien, celle de la jeunesse, d’Erasmus, celle de « l’auberge espagnole » où il fait bon vivre et chanter.
13 Mai
Scènes de dévastation autour du Trocadéro à Paris où le PSG « fêtait » sa victoire dans le championnat de France de football. Les supporters du « club » ont été débordés par des « ultras » et surtout par des casseurs qui ont profité de l’occasion pour piller des quartiers bourgeois.
On accuse la police, les casseurs, les politiques même … Mais ce qui est navrant c’est le PSG lui-même. Voila une entreprise (le mot de club n’a dans ce cas aucune signification) financée par le Quatar qui s’est payée des mercenaires du monde entier qui joueront demain ici ou ailleurs. J’avoue ne pas comprendre l’enthousiasme de supporters dont les délires confinent à la bêtise. D’autant plus que le PSG a eu ces dernières semaines un comportement arrogant émaillé d’incidents donnant une image lamentable de ces gamins trop gâtés. Quel sens y avait-il de fêter à Paris, avec une vue sur la Tour Eiffel, la victoire, logique au fond étant donné les moyens engagés, de cet assemblage hétéroclite sans cœur et sans âme ? Quelle logique aussi de voir encore des subventions publiques (par le biais de financement de stades et d’utilisation de forces publiques) utilisées pour des causes aussi absurdes.
A quoi sert donc le PSG ?
14 Mai
Lancement du Rapport CyclOpe, le 27ème du nom, une longue aventure commencée au milieu des années quatre vingt lorsque les marchés étaient au plus bas. Cette année le sous-titre de CyclOpe est emprunté – pillé plutôt – a Dostoievski : « Crises et Châtiments » : la persistance des crises, tant macro-économiques que sur les marchés de matières premières et de commodités et puis l’heure des châtiments liés aux multiples lacunes de la gouvernance tant internationale que nationale que ce soit en Europe ou au Etats-Unis mais aussi en Inde, au Brésil ou en Chine.
Faut-il pour autant sombrer dans le pessimisme le plus noir ? A entendre certains on en serait réduit « par mesure d’économie à éteindre la lumière au bout du tunnel » ! Cela est particulièrement vrai dans une Europe qui ne sait se doter que de règles et non de projets. Mais des interventions au colloque de CyclOpe on a surtout retenu l’optimisme qui marque notre vision de la Chine, « ce radeau qui s’est transformé en paquebot » : depuis 2008 la Chine pèse pour 40 % du surplus de croissance mondiale et le « made in China » devient de plus en plus du « made by China ». La Chine surtout a les moyens – et le devoir – de faire du keynésianisme. Voila de quoi mettre fin aux châtiments.
15 Mai
Voila donc la France à nouveau en récession après - 0.2 % au premier trimestre de 2013. La nouvelle n’a rien de surprenant même si elle confirme ce que nous savions depuis longtemps : la grande déprime qui affecte l’ensemble de la société française au-delà des aléas et des insuffisances politiques.
Face à pareille situation, la réaction gouvernementale est au fond classique pour la France : le déni de la gravité de la situation. On maintient ainsi un objectif de croissance de l’ordre de 0.1 % alors que la réalité sera plus proche de - 0.5 % ; on affirme que le pire est passé alors que le second semestre sera probablement encore plus calamiteux avec l’impact des mesures de rigueur décidées dans le désordre le plus total ; quant au recul du chômage, comment y accorder quelque crédibilité que ce soit. Cet après-midi, François Hollande est à Canossa, c'est-à-dire à Bruxelles, pour mendier quelque délai pour une France qui est bien le grand malade économique et surtout politique de toute l’Europe. Et la paralysie étant au sommet d’un appareil qui n’a plus de contre pouvoirs, il y a bien peu d’espérance en ce printemps décidément humide et frileux.
17 Mai
Semaine de folie à New York pour les grandes ventes de printemps d’art contemporain : Christie’s a battu un record avec $ 495 millions en une seule soirée et Sotheby’s s’est contenté de $ 293 millions. Et pourtant il n’y avait pas cette année d’œuvre majeure à l’image du Cri de Münch de l’année dernière. Simplement des classiques de Liechtenstein ou Basquiast qui ont tutoyé les $ 50 millions.
L’argent s’est remis à couler à flots sur le marché de l’art qui n’a pas connu de rechute après son passage à vide de 2008/2009. Et là c’est l’art contemporain qui tient la vedette renvoyant les impressionnistes au rayon des antiquités. C’est la génération de Warhol et en fait de la peinture américaine qui tient désormais le haut du pavé : on achète à New York des artistes américains qui séduisent toujours les « nouveaux riches » de la finance. Au même moment la bulle chinoise se dégonfle quelque peu et princes arabes et oligarques russes préfèrent … les joueurs de football.
Rien de bien nouveau au fond : dans la Rome impériale, les héritiers des grandes familles s’offraient des marbres grecs et des équipes de gladiateurs. On connait la suite. En tout cas le marché de l’art confirme un peu plus l’euphorie qui semble régner outre-Atlantique.
18 Mai
Il y avait un mariage à Urrugne au Pays Basque … Entre un homme et une femme désireux de s’engager devant les hommes – et dans ce cas devant Dieu – comme avant eux de multiples générations d’hommes et de femmes.
Le même jour le gouvernement, fort du feu vert du Conseil Constitutionnel, a promulgué la désormais célèbre « loi Taubira » qui autorise le mariage aux personnes de même sexe. Le pas a été franchi et certains se réjouissent de cette reconnaissance donnée ainsi aux couples homosexuels. Pourquoi pas s’il s’agit que d’une reconnaissance sociale. Mais le risque est grand de mettre le doigt dans un engrenage dévastateur pour les enfants issus de manière artificielle de ces unions.
En république, on ne peut que s’incliner et on peut simplement espérer que cette loi ne sera pas une passoire au service d’une théorie du genre bien mal digérée.
Ceci étant de la même manière que les faucheurs d’OGM revendiquaient un droit de désobéissance, on pourra comprendre que les élus et les fonctionnaires qui refuseront de procéder à de tels mariages puissent invoquer un droit de retrait.
Mais ne pouvait-on franchement espérer autre chose de la première grande Loi de la présidence Hollande.
21 Mai
Should we teach in English ? The answer for a university professor in international affairs like me is definitely not. In my master degree we have students coming from all over the world and all our courses are taught in French although all our students are more or less bilingual in English. If they chose France for their higher studies, it is to discover French culture, economy and … language. To have courses given in English by French professors or lecturers would be ridiculous. Of course we could have native English speaking academics but the main problem here is financial. : you can hardly motivate a foreign academic to come to France and to be paid as assistant professor around € 2500 per month.
Of course today in many fields, you have to write and publish in English. Research seminars can be held in English as most “papers” are anyway directly written in English : this is the case in most scientific aeras and in economics. In literature or in history, the situation is different and you still can write in French …
En résumé, une polémique stupide comme on sait les faire naître en France. Mais il demeure essentiel de maintenir les exigences de la francophonie… comme les québécois !
22 Mai
Dans les années de formation menant de l’enfance à l’âge adulte, le plus grand bonheur que l’on puisse éprouver et de croiser le chemin d’un « maître » et de le suivre pendant quelque temps. Pour nombre d’entre nous, passés par Tivoli, le collège de jésuites de Bordeaux, Paul Defaye qui vient de disparaître fut un maître au sens le plus noble du mot.
Professeur de français/latin, d’humanités au sens le plus large, c’est à lui que nous devons un peu de connaissance mais surtout l’amour des civilisations grecques et romaines qu’il nous fit parcourir au long d’inoubliables voyages. Mais l’enseignement de Paul allait bien au delà des chapiteaux doriques ou corinthiens ou des subtilités de la construction des camps romains. Célibataire, habitant au collège, en ces temps de longues journées avec les études qui se terminaient à 19 h, son bureau était un lieu de liberté et d’ouverture sur le monde. Avec lui nous nous sommes passionnés pour la photographie (à la glorieuse époque des Zeiss Contaflex), pour la géologie et l’entomologie. Pour les plus musiciens, il était aussi le maître de chapelle de Tivoli. Ses colères étaient homériques et sa fidélité immense.
Paul était tout simplement un « maître » comme il y en a encore beaucoup dans un système scolaire qui les ignore trop souvent, un humaniste de la Renaissance dont le modeste cabinet de curiosités nous faisait rêver, un amoureux enfin de la vie et du monde. Merci Paul.
26 Mai
Nous étions donc plusieurs centaines de milliers à manifester une dernière fois contre la loi Taubira. Sous un soleil presque printanier, la foule était paisible, moins politisée que lors des précédentes manifestations, plus homogène aussi peut-être avec une très forte participation provinciale : une France profonde que l’on aurait tort de cataloguer dans le catholicisme le plus traditionnel. Il y avait aussi beaucoup de jeunes et c’est cette image de la jeunesse qu’il faudra préserver.
Il est facile de caricaturer les tenants de cette manifestation comme des réactionnaires attardés et, y compris dans les rangs de l’Eglise catholique, certains le sont. Mais il faut en fait voir dans ces foules un immense cri d’amour, une recherche – parfois maladroite certes – de compréhension de l’autre dans sa diversité. A la limite le message est maintenant plus clair une fois la loi Taubira promulguée puisque c’est maintenant l’identité humaine qui sera au cœur des débats autour de la PMA, de la GPA et surtout d’une théorie du genre mal digérée et enseignée par des pédagogues qui ont déjà à leur actif l’échec de l’école.
La « manif pour tous » n’est pas un échec. Mais elle n’a pas pour autant vocation à devenir un mouvement politique. Elle est un cri, un message positif que la société doit aussi entendre.
28 Mai
Le moral des français n’a jamais été aussi bas ! L’indicateur calculé par l’INSEE depuis 1972 a retrouvé le plus bas niveau enregistré en Juillet 2008. A l’époque et d’une manière un peu paradoxale, le moral des français s’était par la suite sensiblement amélioré alors que la crise mondiale battait son plein. C’est que les français avaient alors l’impression – d’ailleurs justifiée – que la France traversait ces premiers mois de crise plutôt mieux que la plupart de ses voisins : la France eut en effet en 2009 la récession la plus « douce » de tous les pays de l’OCDE à l’exception de l’Australie.
La rechute n’en est que plus cruelle. Et là malheureusement il est difficile d’imaginer quelque rebond que ce soit alors que tous les indicateurs (chômage, fiscalité, revenus …) sont au rouge. Au contraire même l’automne avec sa suite de mauvaises nouvelles fiscales et peut-être une augmentation de la TVA au 1er Janvier prochain risque d’être bien pire.
Pour la première fois cette chute du moral se traduit en termes de consommation des ménages qui s’affiche en repli ces derniers mois. Jusque là les français ronchonnaient mais consommaient. Aujourd’hui ils ont peur.
On est là bien au-delà de la morosité politique même si l’absence de confiance vis-à-vis de l’exécutif n’est pas étrangère à cet effondrement. Peut-être au fond fallait-il atteindre ce point bas pour qu’enfin le discours, la méthode et l’action changent dans les sphères du pouvoir.
On peut toujours rêver.
30 Mai
« Le rêve américain fonctionne toujours, mais il n’y a plus de rêve français ». Cette remarque désabusée d’un ancien très grand patron français a suscité quelques réactions autour de la table où elle fut prononcée. L’un a réagi en rappelant notre attrait culturel et touristique. L’autre a célébré l’excellence de certaines de nos formations (la majorité des participants étaient normaliens et polytechniciens, les énarques étant presque ravalés au rang d’autodidactes). Un dirigeant – espagnol – d’une banque française a souri du goût des français pour l’autocritique et a cherché à nous rassurer.
Et pourtant ! C’est vrai qu’il n’y a plus guère de rêve français et plus grave la France ne fait plus vraiment rêver, toute considération touristique mise à part. Que serait d’ailleurs le rêve français : être à nouveau au cœur de toutes les créations qu’elles soient scientifiques, artistiques ou culturelles ; être un modèle pour d’autres sociétés ; être surtout capable de donner envie à des jeunes d’autres cultures de venir y faire leur apprentissage ; retrouver l’aura qui fut la notre au XIXe siècle ? Tout ceci est oublié. Le rêve français se limite trop souvent à de miteuses échéances électorales. Faut-il d’ailleurs qu’il y ait encore un rêve français ? Ne devrait-il pas être européen et notre avenir n’est-il pas dans cette fusion encore bien incertaine.