1 Décembre
Ukraine / Céréales
Alors que se concluaient à Vilnius les négociations sur le Partenariat Oriental de l’Union Européenne (réduit désormais à la Moldavie et à la Géorgie après le retrait de l’Ukraine), la Russie continue à tendre ses rets sur les républiques de l’ancienne URSS. Cette fois c’est dans le domaine agricole avec l’idée de constituer une sorte de cartel à l’exportation de céréales entre la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan.
Il y a bien longtemps – avant 1914 – le prix mondial du blé se cotait « fob Odessa », le grand port de la Mer Noire. Puis il y eut la parenthèse de l’URSS, de son échec agricole, de Staline à Kroutchev, de ses importations qui – dans les années quatre vingt – représentaient le quart des achats mondiaux de céréales. La chute de l’URSS et le désordre qui suivit provoquèrent l’arrêt total des importations de grains. La Russie bénéficia alors même de l’aide alimentaire des Etats-Unis sous la forme de viandes de volailles. Et puis peu à peu, se reconstitua un appareil d’exportation qui représente suivant les années entre 20 et 30 % du commerce mondial des céréales. Paradoxalement la Russie en est le maillon faible dans la mesure où la moindre mauvaise récolte peut provoquer une hausse des prix intérieurs qui, en 2010 par exemple avait amené le gouvernement Poutine à décréter un embargo à l’exportation. On comprend alors la volonté russe, au travers de ce pool de la Mer Noire, de reprendre le contrôle sur ses voisins. Voila une raison de plus pour les pro-européens de manifester sur la place de l’hôtel de ville de Kiev.
3 Décembre
Education
Mauvaise journée pour la France. Non seulement son classement en matière de corruption par Transparency International (22) n’a pas bougé et n’en fait pas un modèle de vertu, mais elle recule dans le classement PISA de l’OCDE qui évalue tous les trois ans les compétences de base des élèves d’une soixantaine de pays dans le monde. Ainsi la France n’est plus que vingt cinquième pour les mathématiques un domaine considéré à tort ou à raison comme un de nos terrains d’excellence. Mais le plus grave est le constat d’une augmentation des inégalités entre « bons » et « mauvais » élèves.
Longtemps son système éducatif a été l’orgueil de la France : public, laïc et gratuit il était le garant du bon fonctionnement de l’ascenseur social. Un enfant d’ouvrier pouvait rêver de devenir ingénieur, de « faire Polytechnique ». Tel n’est plus le cas et ce que l’enquête met en évidence c’est que les jeux sont faits dès la sortie du primaire, au moment du collège. Les statistiques du baccalauréat et ses innombrables mentions ne peuvent masquer une réalité de plus en plus cruelle dont nous subissons les conséquences à l’Université – du moins dans les filières sélectives – avec une véritable homogénéisation sociale des étudiants.
Les apprentis sorciers de la pédagogie moderne ont certainement leur part de responsabilité, les enseignants aussi, les familles bien sûr. L’échec est collectif et le « mammouth » reste immobile.
4 Décembre
Prix alimentaire
Présentation du IIIe Rapport au Parlement de l’Observatoire de la Formation des Prix et des Marges dont j’assure la Présidence. Dans un contexte de fortes tensions sur les prix agricoles – tant végétaux qu’animaux – les prix alimentaires ont fait preuve d’une grande stabilité qu’il s’agisse du lait, du jambon ou de la volaille. La fonction d’amortissement a joué tant en ce qui concerne l’industrie que la grande distribution : à marges constantes, la plupart des prix alimentaires auraient du être plus élevés pour répercuter la hausse des coûts de production. Cette année, le consommateur a été gagnant !
Mais cette course aux prix, entretenue par la féroce concurrence qui règne entre enseignes de la grande distribution, a ses limites : chez les producteurs, la plupart des éleveurs ne couvrent pas leurs coûts réels de production ; les marges de l’industrie sont sur le fil du rasoir comme le montrent les problèmes récurrents de nombre d’entreprises ; enfin les marges nettes de la grande distribution sont négatives pour des rayons comme la boucherie, la boulangerie ou la poissonnerie. Nous sommes bien là aux limites extrêmes d’un exercice rendu plus complexe par les évolutions de nos modèles de consommation et par les contraintes liées aux impératifs de sécurité alimentaire. Mais en ces temps de crise, il sera difficile d’inverser la tendance.
5 Décembre
Chine
La Chine ne cesse de nous interpeller. Des chiffres récents confirment l’ascension du yuan qui serait devenu la deuxième devise de facturation des échanges internationaux, loin derrière le dollar mais devant l’euro. C’est au fond assez logique étant donné le poids du commerce extérieur chinois même si le yuan n’est pas convertible et continue à être accroché au dollar.
Si l’impérialisme monétaire demeure limité, les autorités chinoises ont choisi la voie la plus musclée pour marquer leur territoire maritime dans la Mer de Chine et faire sentir à leurs voisins que le temps où ils étaient de simples vassaux de l’Empire du Milieu n’est au fond pas si lointain.
Ce qui ressemble fort à une provocation est peut-être aussi un geste de la nouvelle équipe au pouvoir vis-à-vis de l’armée dont l’influence demeure déterminante dans les coulisses du pouvoir et ce d’autant plus qu’une nouvelle tête serait entrain de tomber : on parle en effet de l’arrestation de l’ancien chef de tous les services de sécurité qui était jusqu’en Novembre 2012 l’un des neuf « Sages » qui gouvernaient la Chine et qui était le protecteur de Bo Xilai. On l’accuserait du meurtre de sa femme il y a une dizaine d’années mais la réalité est probablement beaucoup plus complexe. Qu’il est difficile de comprendre la Chine !
6 Décembre
Mandela
La mort de Nelson Mandela ne peut laisser indifférent tant la stature de l’homme d’Etat qui a permis à l’Afrique du Sud de sortir de l’Apartheid en évitant le bain de sang de sang que tous anticipaient était impressionnante. Mandela a réussi ce dont l’assassinat de Gandhi a privé l’Inde : assurer une transition presque harmonieuse entre des communautés que tout opposait et faire pendant quelques années de l’Afrique du Sud un modèle de coexistence.
Mais jusqu’à hier la grande silhouette de Mandela a permis de cacher les difficultés d’un pays dont, trop vite, on a voulu faire le cinquième grand pays émergent de la planète (le S de BRICS). Une fois terminées les cérémonies de l’hommage solennel – et pour une fois totalement justifiées – que le monde entier va lui rendre, l’Afrique du Sud va se retrouver confrontée à ses problèmes : une économie dépendante de l’exploitation des matières premières, des infrastructures, à l’image de la production d’électricité, délabrées, une société profondément inégalitaire y compris au sein de la société noire, une cohabitation raciale difficile, une insécurité grandissante, une corruption devenue endémique dans le cercles du pouvoir et de l’ANC. Par bien des aspects l’Afrique du Sud ressemble plus à la Russie qu’à l’Inde ou la Chine.
Mandela disparu, son rêve peut-il survivre ? On le souhaite bien sûr mais le défi est immense dans le choc de populations dont les racines identitaires partagent le même attachement à leur terre. L’heure est au souvenir et à la prière pour que l’Espérance qu’a incarné Mandela continue à vivre.
8 Décembre
OMC
Il y a donc eu un accord à Bali ! C’est un « petit » accord certes mais c’est le premier dans la déjà longue histoire du Cycle de Doha de l’Organisation Mondiale du Commerce, un cycle lancé il y a précisément douze ans dans la capitale du Qatar.
Jusqu’au dernier moment on avait pu craindre qu’une fois de plus l’agriculture ne fasse échouer la négociation. Mais pour une fois on fonctionnait à fronts renversés. Ce n’étaient pas les Etats-Unis ou l’Europe qui bloquaient l’accord : cela fait bien longtemps qu’ils ne subventionnent plus leurs exportations agricoles, du moins de manière ouverte : leurs politiques agricoles sont devenues « OMC – compatibles » ce qui ne veut pas dire que les états concernés ne continuent pas à financer des politiques agricoles par des moyens plus détournées (biocarburants aux Etats-Unis par exemple). Non cette fois ci c’était l’Inde qui freinait : l’Inde avec son dispositif de soutien aux agriculteurs et aux populations pauvres par le biais du programme le plus important au monde de subventions à la consommation ; l’Inde qui – certaines années – est un acteur non négligeable à l’exportation en particulier pour les céréales. L’opposition indienne levée grâce à d’importantes dérogations, un accord a pu être trouvé sur la facilitation des échanges et l’aide au développement. Le tout ne concerne en fait que 10 % de l’agenda total de l’OMC mais l’accord de Bali a le mérite de relancer une dynamique multilatérale à un moment où l’heure semble être beaucoup plus à des accords de libre échange bilatéraux qui inévitablement pénalisent les plus faibles.
10 Décembre
Pro-trading
C’est une petite révolution et surtout un retour à la raison : aux Etats Unis la « règle Volcker » vient d’être approuvée par la Fed et les principales agences de régulation : elle consiste à interdire « le prop-trading ». Le proprietary trading ou trading pour compte propre consiste pour une banque à tenir des positions purement spéculatives sans lien avec ses activités commerciales : la banque spécule avec « l’argent des autres », ses positions étant bien souvent supérieures à ses fonds propres.
Le « prop-trading » a toujours existé mais de manière discrète sur le marché des changes par exemple. Le développement des marchés dérivés a accéléré son développement ces vingt dernières années au point qu’il en est venu à représenter une part essentielle des revenus des établissements qui s’y sont lancés. Ce fut en particulier le « modèle » Goldman Sachs et d’ailleurs de toutes les banques de Wall Street. Les banques européennes s’y mirent aussi à l’image de la Société Générale, de RBS ou de la Deutsche Bank.
On est là bien loin de la vieille distinction entre banque de dépôts et banque d’affaires mais en fait dans de la pure spéculation sans aucune justification pour l’activité quotidienne de la banque.
Même si on peut imaginer que Wall Street va tout faire pour contourner les exigences de la règle Volcker, il faut saluer ce pragmatisme américain. Dans des circonstances identiques, les autorités de régulation et les politiques français ont capitulé face aux pressions d’une industrie bancaire soucieuse de défendre son pré carré.
13 Décembre
Inégalités
« La croissance ne profite qu’aux riches ». Tel est le constat désabusé d’un économiste américain à l’ouverture de la World Policy Conférence qui se tient cette année à Monaco, lieu assez peu approprié d’ailleurs pour parler de la pauvreté du monde.
La remarque portait sur les Etats-Unis où 90 % de la croissance de richesse profite à seulement 1 % des foyers. Avec des Etats-Unis qui ne progressent que de 2.5 % à l’heure actuelle cela veut dire que l’américain de base (« Joe le plombier ») s’appauvrit en réalité. On est bien loin des rêves suscités par Barack Obama. En Europe la situation est identique avec des systèmes sociaux en pleine régression du fait de l’absence totale de croissance ; et puis il y a une disparité croissante entre les « riches » allemands et les « pauvres » du Sud. Dans les pays émergents la montée des inégalités demeure un souci majeur mais inhérent en période de forte croissance.
Que la croissance économique soit en effet créatrice d’inégalités est une constante de l’histoire et n’a au fond rien que de très normal. Il en fut ainsi de l’Europe au XIXe siècle. Les inégalités chinoises et indiennes se résorberont peu à peu au fil du développement économique de ces pays. Toute autre est la question de la montée des inégalités dans les pays avancés là où la croissance économique est désormais trop faible pour assurer un équilibre « naturel ». C’est bien là le défi majeur de nos sociétés sachant que bien souvent la pression fiscale est arrivée à la limite du supportable. Malheureusement si la croissance ne profite qu’aux riches c’est que l’ascenseur social est trop souvent bloqué. C’est bien cela le plus grave.
14 Décembre
Modèle social européen
Existe-t-il un modèle social européen ? Certes non et on peut en ce domaine faire la différence entre les modèles scandinaves, rhénans, anglo-saxons, latins sans oublier bien sûr le particularisme gaulois. La question est donc sans objet et de l’avis de tous la question sociale n’est pas de la compétence européenne alors même que d’après les chiffres d’Eurostat 25 % des européens sont en risque d’exclusion.
Sur ce point il est intéressant d’entendre deux hommes politiques belges : Yves Leterme, ancien premier ministre, souligne le paradoxe d’une Europe qui rassemble 7 % de la population mondiale, qui représente 25 % du PIB de la planète mais aussi 50 % des dépenses sociales : des dépenses beaucoup plus consacrées à la sécurité sociale qu’à la capacité de rebondir et de résister : il y a un monde en effet entre la sécurité et la résilience d’une société, qui est la mieux préparée par l’éducation. Le vice premier ministre belge, Didier Reynders, va beaucoup plus loin, se faisant l’avocat de minima paneuropéens à l’image d’un SMIC européen qui permettrait d’éviter le dumping direct ou indirect auquel se livrent nombre de pays de l’Irlande à la Pologne ou la Roumanie.
A quelques mois d’élections européennes qui risquent d’amener à Strasbourg nombre d’eurosceptiques et de populistes, il est nécessaire de rappeler l’urgence de construire une Europe qui ne soit pas uniquement une zone de libre échange !
15 Décembre
Afrique
« Il y a un fossé entre la réalité de l’Afrique et la perception que peut en avoir le reste du monde dit Mo Ibrahim (l’un des seuls milliardaires africains qui ne soit pas un chef d’état selon la jolie expression de Tidjane Thiam, le président franco-sénégalais, de Prudential, l’un des plus importants assureurs mondiaux). Et Mo Ibrahim de conclure que c’est le bon moment d’être « contrariant » et donc d’investir en Afrique.
Cependant que si tous les indicateurs africains sont au vert, celui de la gouvernance reste désespérément au rouge avec son lot habituel d’instabilité et de corruption sur fond de malédiction des matières premières. C’est cela que retiennent les médias, beaucoup plus d’ailleurs que lorsque des troubles identiques affectent des pays comme la Thaïlande ou l’Indonésie : « The only strories about Africa are about animals ans cannibals » rappelle encore Tidjane Thiam. Et c’est vrai qu’il faut rompre avec l’afro pessimisme ambiant, oublier un peu les chefs d’état fêtés à Paris il y a quelques jours pour rêver au potentiel du continent le plus jeune de la planète. L’herbe africaine pousse mais nous n’entendons que les arbres qui craquent…
16 Décembre
Ukraine / Lybie
A la question « Quels sont les principaux risques à surveiller en 2014 ? » le ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, répond dans l’ordre : la Lybie, la Syrie, l’Iran, les relations israélo-palestiniennes. Assez curieusement il ne mentionne ni l’Afrique, ni surtout l’Ukraine. Pour l’Afrique on peut y voir une critique implicite à une action de la France imposée d’en haut et qui risque un enlisement progressif. L’absence de l’Ukraine est beaucoup plus symptomatique des orientations de la diplomatie française tournée vers la Méditerranée beaucoup plus que vers l’Est où pourtant la partie qui se joue autour de l’Ukraine est fondamentale pour l’équilibre futur des relations entre l’Europe et la Russie. La France est bien absente de l’Europe de l’Est depuis l’époque de la « petite entente » de l’Entre Deux Guerres.
Par contre Laurent Fabius a raison de souligner la menace que représente le désintégration totale de l’état Lybien. En faisant des résistants à Khadafi de véritables héros de romans, Bernard Henri Levy a été un apprenti-sorcier bien dépassé maintenant par le chaos qui s’est installé de Tripoli à Benghazi et qui fait le lit du terrorisme islamique. Khadafi était devenu un bouffon criminel et l’ingérence « humanitaire » de l’OTAN semblait légitime. Mais il ne sert à rien d’intervenir si c’est pour abandonner ensuite les populations aux caprices de chefs de guerre plus opportunistes qu’héroïques.
18 Décembre
Russie Khodorkavski
Vladimir Poutine a donc décidé de libérer Mikhail Khodorkovski qui aura donc passé dix ans en prison, entre Moscou et la Sibérie. Curieux destin de cet oligarque qui fut un des principaux profiteurs de la vague de privatisations de l’époque Yeltsin au point de bâtir le premier groupe pétrolier russe, Ioukos, et d’avoir été un temps l’homme le plus riche du pays.
Khodorkovski commit alors l’erreur d’oublier d’où il venait et qu’il ne devait sa fortune qu’à la grâce d’un prince désormais déchu. Il se fit le chantre de la démocratie dans sa bulle d’oligarque et son ambition politique se heurta à celle de Poutine qui justement s’efforçait de mettre aux pas les principaux « boyards » de l’économie russe : certains y laissèrent la vie (B.Berezovski), la plupart courbèrent l’échine, acceptant même un semi-exil à Londres (R. Abramovitch), le plus habile (M. Prokhorov) créant un parti « officiel » d’opposition. Mais Poutine chatia l’ambition de Khodorkovski, cette punition devant servir d’exemple à tous les autres imprudents.
Le paradoxe est que ces dix ans de prison ont fait de Khodorkovski un véritable martyr notamment en Occident. Il a été accueilli presque comme un héros en Allemagne et on en fait maintenant un résistant à la dictature poutinienne. L’oubli et le pardon sont de bien étranges compagnons.
20 Décembre
Etats-Unis
Le soleil semble briller à nouveau aux Etats-Unis. Au troisième trimestre 2013, la croissance aurait dépassé les 4 % en rythme annuel. Les créations d’emploi restent élevées et le chômage baisse (7 %) même si le taux de participation au marché du travail demeure faible (63 %). Cette bonne santé à permis à Ben Bernanke de décider (sa dernière décision majeure en tant que président de la Fed) de réduire de $ 10 milliards par mois (à $ 75 milliards quand même…) le montant des liquidités injectées par la Fed, le désormais célèbre « quantitative easing ».
Il est désormais probable que Barak Obama quittera la Maison Blanche (dans trois ans déjà) avec une économie plus dynamique profitant à plein de la troisième révolution industrielle. Ceci permettra aux américains d’oublier ses innombrables ratés nationaux et internationaux, de l’Obamacare à la Syrie. En cinq ans de présidence et même en tenant compte de la crise son bilan demeure bien médiocre et il aura fallu l’aide des Républicains et du Tea Paty pour lui permettre une réélection dans un fauteuil.
Si l’économie américaine va mieux aujourd’hui, au-delà des mesures de la Fed, c’est que les Etats-Unis restent au cœur de la recherche et de l’innovation mondiale Obama n’y est là pour rien !
22 Décembre
Orgues
Il y avait foule ce matin en l’Eglise Saint Vincent de Ciboure pour une cérémonie bien exceptionnelle de nos jours : la bénédiction d’un nouvel orgue. C’est là un moment suffisamment rare pour en parler un peu : Saint Vincent est une église basque du XVIe siècle, de plan rectangulaire dominé par un maître autel chatoyant de dorures dans le goût du baroque espagnol ; sur les côtés des galeries qui autrefois accueillaient les hommes. Le vieil orgue essoufflé était devenu bien insuffisant d’autant plus que s’était révélé le talent d’un jeune organiste local (23 ans) devenu rapidement un professionnel promis à la plus belle des carrières. Il fallut l’enthousiasme du curé, le soutien des édiles locaux et de multiples dons pour doter Saint Vincent d’un superbe orgue baroque conçu par un facteur belge de la région de Liège.
Ce matin donc l’évêque de Bayonne a béni l’orgue nouveau et l’a réveillé afin qu’il accompagne les chants des fidèles. Dans des églises aux assistances désormais bien clairsemées, c’était là, au-delà du geste musical, un bel acte de foi et l’église comble témoignait de cette Espérance et de l’ancrage profond d’une communauté dans ses valeurs de tradition mais aussi d’ouverture.
24 Décembre
Chine
Tensions sur le marché interbancaire chinois : les taux à sept jours qui se situent d’habitude autour de 4 % ont atteint hier 8,8 %. Le 20 Juin 2013 ils avaient touché les 11 % mais la Banque de Chine avait rapidement rétabli la situation. Il en sera probablement de même cette fois ci mais cet accident est bien la preuve que le principal talon d’Achille de l’économie chinoise est bien la situation de son appareil bancaire.
Au fil de la croissance des trente dernières années, les banques chinoises – toutes plus ou moins publiques – ont été amenées à financer presque à fonds perdus de très nombreuses entreprises liées à l’état ou aux gouvernements locaux. Nul ne sait exactement quel est le montant du poste « créances douteuses » des banques mais il y a quelques années il se murmurait que celui-ci était à peu près équivalent des réserves de change de la Chine !
Peu à peu la Chine s’ouvre aux marchés financiers internationaux ; le yuan commence à s’échanger. La Chine va devoir s’aligner sur les normes occidentales. Or mesuré à cette aune son appareil bancaire est virtuellement en situation de faillite. Un jour les marchés devront prendre en compte ce risque ; les autorités pourront sauver l’une ou l’autre banque mais risquent d’être désarmées face à une véritable crise de confiance. A suivre …
26 Décembre
Chômage
Mauvaise nouvelle sur le front du chômage en France : une nouvelle augmentation en Novembre à laquelle malheureusement tous les analystes s’attendaient. La France est en effet très probablement autour de la croissance zéro et on ne peut espérer de création d’emploi dans le secteur marchand à moins de 1.5 % de croissance, un chiffre qui ne sera pas atteint avant 2015 au moins.
Le chiffre publié aujourd’hui pour le mois de Novembre (17500 destructions d’emplois) n’a donc rien d’étonnant. Ce qui l’est plus ce sont les commentaires qui l’ont accompagné de la part des plus hautes autorités de l’état français : une sorte d’autisme qui ne fait plus guère illusion. Malgré les efforts consentis et un traitement social important (emplois d’avenir et autres), les seules créations « administratives » ne peuvent inverser un mouvement sous tendu par un manque absolu de confiance au cœur de la société française. Créer un emploi c’est avant tout un investissement et l’acte d’investir est un acte de confiance en l’avenir. Les chiffres du chômage sont malheureusement à l’unisson des doutes des français et la « méthode Coué » pratiquée dans certains palais ministériels n’en est que plus pathétique. 2013 se termine ainsi bien mal pour la France. Faudra-t-il que le chômage dépasse 15 % au plus pour qu’enfin vienne une réaction ? Rien n’est moins sûr.
28 Décembre
Saint Jacques de Compostelle
La messe des pèlerins dans la Cathédrale de Saint Jacques de Compostelle : au bout de l’Espagne, au cœur de la Galice, apre et dure, c’est l’un des plus vieux pèlerinages de la chrétienté, rajeuni depuis quelques années par des pèlerins attirés à Santiago par une soif d’absolu et de dépassement de soi plus souvent que par une démarche purement spirituelle. Peu de pèlerins en ce jour froid et humide de l’hiver pour remplir l’immense nef romane au cœur de laquelle éclate l’exubérance d’un autel baroque débordant de dorures. Mais ceux qui sont là témoignent d’une longue tradition d’un bon millier d’années : ils ont franchi les Pyrénées et les montagnes cantabriques, ils ont traversé les plateaux arides de la meseta, ils ont marché comme peu de pèlerinages nous y invitent aujourd’hui à l’heure des transports rapides, ils ont fait le chemin, « el camino » : un chemin intérieur aussi, un long temps de conversion … A la différence des grands pèlerinages contemporains, de Lourdes pour les catholiques à la Mecque pour les musulmans, marcher vers Santiago est une démarche individuelle dont le seul miracle attendu est la coupure pendant quelques semaines avec la pression du monde extérieur.
Compostelle est aujourd’hui à la mode au fil de nombreux livres et films. Tant mieux car dans la pénombre de la basilique ce soir c’était aussi l’Esprit qui soufflait …
31 Décembre
Islam
La fin de l’année est tendue dans le monde et une fois de plus ce sont les terres d’Islam qui souffrent : contestation violente en Turquie où Erdogan est attaqué pas « ses » fondamentalistes sur fond de corruption ; manifestations en Egypte, chaos en Lybie et en Centre Afrique, guerre civile en Syrie et enfin attentats à Volgograd (l’ancienne Stalingrad…) aux portes du Caucase. Partout c’est un peu le même scénario : de vieilles dictatures contestées des mouvements civils et démocratiques désordonnés et impuissants et les seuls déterminés provenant des mouvements des mouvements islamiques visant l’établissement de sociétés religieuses. L’Occident en est impuissant, ne sachant qui soutenir en des pays où le bien et le mal côtoient à parts égales le fanatisme le plus forcené.
Ce qui est clair c’est aussi que l’échec économique va de pair avec l’impasse politique. A bien des égards, la Turquie a longtemps fait figure d’exception : l’échec d’Erdogan d à mener une véritable transition démocratique tout en instaurant un état « religieux » montre bien les limites de l’exercice. Mais la « tentation de l’Islam » ne peut atteindre la dimension que nous lui connaissons que grâce aux échecs des régimes laïcs. La boucle est malheureusement bouclée.